Ma recherche s’articule autour de trois axes principaux, qui à première vue pourraient être perçu
comme totalement détachés l’un de l’autre, mais qui, en réalité, sont fortement liés.
Personnages Virtuels pour les arts numériques et le spectacle vivant
Le premier axe porte sur les personnages virtuels pour les arts numériques et le spectacle vivant, alors que le second se focalise sur les processus de fabrication pour le film 3D, les arts numériques et les jeux vidéo. Ma première thématique de recherche, Personnage virtuel pour les arts numériques et le spectacle vivant, s’intéresse à la fois au processus de création de personnages en images de synthèse et leur usage dans les installations artistiques interactives, les jeux vidéo, les films en images de synthèse, la danse ou le théâtre. Elle interroge plusieurs notions : tout d’abord, le degré d’autonomie que nous laissons à de telles entités, leur impact sur le processus artistique et la réception du public. J’ai ainsi été conduit à élaborer un modèle, le modèle Marionnette Golem, Acteur Masque (MGAM) qui m’a fourni une grille de lecture de ces différentes entités, non plus d’un point de vue technologique –comme pouvait l’être le modèle Thalman– mais sur les interactions que nous offrent ces entités.
En parallèle, je mène une réflexion à la fois artistique, déontologique et technique sur la création de la doublure numérique de personnes réelles. En effet, à l’heure où Hollywood est en mesure de refaire jouer dans un film un acteur décédé, où le metaverse nous promet des avatars multiples pour nous permettre d’habiter des mondes virtuels, il me semble important de réfléchir à ce qu’implique la création de telles entités. Cette démarche doit s’effectuer dans une approche où il n’est plus question de séparer la partie informatique de la partie esthétique, le modèle 3D de la personne réelle qui a servi à la créer, ceci afin de mieux comprendre le ressenti du sujet face à sa représentation et lui permettre ainsi de se réapproprier ce « double-autre ». C’est autour de ces réflexions que j’ai mes dernières oeuvres d’art numérique, en particulier ma série de portraits interactifs « double autre ».
Pipeline 3D et impact du temps réel dans la création
Mon deuxième axe porte sur l’impact du temps réel dans les processus de fabrication(pipeline) pour les arts numériques, les jeux vidéo et les films d’animation 3D. En effet le temps réel, c’est-à-dire une simulation dont les cycles de calculs sont tellement rapides qu’elles sont imperceptibles pour l’homme, change complétement le rapport à la création, car auparavant, un travail devait etre planifié avec application, et le résultat obtenue pouvait prendre des heures voir des jours de calcul, et ainsi ne laissait pas de possibilité à l’improvisation. Ce travail avait été amorcé avec le projet OUTILNUM, une solution de prévisualisation sur plateau à destination du cinéma que j’ai commencé à développer en 2010. Le dispositif utilisait des techniques temps réels issus du jeu vidéo et permettait ainsi à une équipe limitée d’expérimenter en improvisation et à moindre coût des mises en scène.
Par la suite, j’ai détourné ces outils de manière à investir d’autres domaines artistiques comme le théâtre. Pour ce faire, il m’a fallu développer des outils novateurs autour de moteurs de jeu vidéo, pas forcément adaptés à ce type d’usage, afin de pouvoir analyser comment le temps réel affecte mon rapport à ma création. Ces développements informatiques, sont d’ailleurs fondamentaux dans mes recherches sur les doublures numériques car ils me permettent de travailler en dialogue avec les personnes qui me servent de modèles, mais aussi avec l’oeuvre elle-même, ce qui entraîne un changement flagrant dans mon rapport à l’erreur, ou à l’improvisation.
Emergence et Autonomie
Mon troisième axe contrôle, émergence et autonomie dans les arts numériques, élargit certains des aspects évoqués lors de mes réflexions sur les degrés de libertés accordés à l’acteur virtuel. Je questionne ainsi comment le bug – pouvant survenir, d’une erreur de logique humaine ou d’une défaillance matérielle – ou l’émergence de nouveaux comportements – qui découlent d’une complexité algorithme ou architecturale – peut offrir de nouvelles propositions pouvant tout aussi bien enrichir l’oeuvre que la détruire. Il devient dés-lors important d’envisager des mécanismes informatiques, artistiques ou scénaristiques qui puissent à minima, protéger la cohérence de l’oeuvre, ou l’enrichir en favorisant l’apparition de nouvelles propositions créatrices.